Dans une réflexion collective sur la diversité et l’inclusion en milieu professionnel, il est important d’aborder le sujet des microagressions. Si les grandes entreprises sont outillées de procédures solides pour corriger ces situations, la situation dans les PME peut s’avérer plus complexe, notamment raison de la proximité des personnes et la petite taille des équipes.
Les microagressions, c’est quoi ?
Le terme microagression est utilisé pour désigner « de brefs échanges quotidiens qui envoient des messages dénigrants à certaines personnes en raison de leur appartenance à un groupe »[1]. Les personnes les plus concernées sont celles issues de groupes généralement marginalisés tels que les femmes, les membres de la communauté LGBTQ2S+ et les personnes racisées.
Le sentiment d’être différent·e de ses pairs au travail, en raison de son sexe, de sa race ou de son origine ethnique est néfaste non seulement pour la personne qui le ressent, mais aussi pour l’organisation dans son ensemble. La récurrence quotidienne de ces expériences négatives mène à ce qu’on appelle la charge émotionnelle. Cette charge amène les individus à être sur la défensive face aux préjugés et peut par conséquent entraîner des impacts négatifs sur leur santé mentale et physique, autant que sur leur bien-être et leur capacité de fonctionner au travail.
Une microagression du point de vue de la victime
Si, suite à un commentaire ou une question d’un·e collègue, vous vous surprenez à ressentir de l’embarras, de l’irritation, de la déception, de la frustration, du désabusement, de la confusion, voire de la colère, vous avez probablement été victime d’une microagression. Tout d’abord, permettez-vous de ressentir ce sentiment. Toute émotion est légitime et doit être prise en compte dans votre décision de réagir ou non à cette microagression, de même que dans le type de réponse et le moment choisi pour y répondre.
Choisir de s’exprimer ou de se taire entraîne dans tous les cas des conséquences et c’est à vous d’évaluer l’importance de l’incident dans votre vie personnelle et professionnelle. Gardez en tête qu’il vous faut faire ce qui est le mieux pour vous, et non pour l’auteur·e de la microagression. Vous pouvez évidemment répondre sur le coup, mais si l’émotion est vive, nous vous conseillons d’attendre avant de revenir sur l’incident.
Il faut savoir que les microagressions occurrent souvent par inadvertance et que la parole ou le geste perçu comme offensant par la victime n’est pas forcément intentionnel de la part de l’émetteur·trice. Une simple question d’approfondissement peut en ce sens calmer l’émotion et désamorcer un potentiel conflit : « Que veux-tu dire exactement ? Qu’entends-tu par cela ? ».
Cette approche permet de mieux évaluer les intentions de l’auteur·e en lui laissant une chance de s’exprimer… ou de s’excuser. C’est également l’occasion d’expliquer comment vous avez interprété la parole ou le geste en question et l’impact cela a eu sur vous. Si l’émetteur·trice se montre de bonne foi, dites-lui que vous appréciez sa volonté de clarifier son intention et que vous espérez qu’il ou elle apprécie votre besoin de clarifier la situation.
Une microagression du point de vue du témoin
Les milieux de travail sont le théâtre d’une multitude d’interactions humaines dont nous sommes quotidiennement témoins. Si vous ressentez un malaise suite à un geste ou une remarque d’un·e collègue envers un·e autre collègue, tentez d’abord d’observer si votre sentiment semble partagé par la personne visée et/ou par d’autres témoins. Notez que ce n’est pas parce qu’il n’est pas partagé que votre ressenti n’est pas juste.
La nature des relations entre collègues étant uniques à chaque équipe et chaque entreprise, il vous revient de choisir les stratégies optimales pour gérer la situation et d’identifier au besoin les personnes susceptibles de soutenir votre démarche. Dans certains cas, vous pouvez choisir de vous adresser, soit à la personne que vous estimez lésée, soit à l’auteur·e de la microagression. Dans d’autres cas, vous pouvez choisir de vous adresser à une tierce personne (ex. supérieur·e immédiat·e, responsable des ressources humaines) qui, soit pourra vous conseiller sur la meilleure stratégie à adopter, soit pourra intervenir pour ou avec vous.
Une microagression du point de vue de l’auteur·e
Personne n’est à l’abri des biais inconscients profondément ancrés dans l’esprit humain et pouvant surgir à tout moment par le biais d’un choix de mots maladroit, d’un commentaire stéréotypé ou d’une plaisanterie mal placée par exemple.
L’un de vos agissements vous donne l’impression d’avoir provoqué un malaise ? Gardez en mémoire la situation et interrogez-vous sur vos intentions, de même que sur les perceptions et réactions possibles à cet agissement. Vous avez des doutes sur la situation? Demandez l’avis de témoins ou de personnes de confiance. Si rien n’est relevé de l’extérieur, ou s’il y a minimisation de l’événement par vos interlocuteurs, cela ne veut pas dire que votre agissement est juste. Si le malaise existe et persiste, il vaut sans doute mieux adresser l’incident.
Vous pouvez proposer à la victime une rencontre et convenir avec elle de conditions favorables à un échange respectueux et constructif. Pour y arriver, il appartient à la victime de choisir le moment, le lieu et la présence éventuelle d’une tierce personne. Si elle ne le souhaite pas, n’insistez pas et conservez une attitude d’ouverture.
Avant la rencontre, il importe de vous préparer à écouter. Réfléchissez à ce que vous allez dire, mais surtout à ce que vous allez entendre : l’objectif n’est pas de se justifier, mais plutôt d’accueillir et d’accepter le ressenti de la personne que vous estimez avoir lésée.
Enfin, rappelez-vous qu’au cours d’une vie, tout individu sera potentiellement victime, témoin et auteur·e de plusieurs microagressions, certaines personnes plus que d’autres. Se souvenir des microagressions que nous avons nous-mêmes subies permet de mieux saisir ce qu’elles provoquent émotionnellement chez l’autre.
Vers une résolution de problème : comment communiquer à la suite d’une microagression ?
La création d’un safespace[2] , ou « espace sécurisé », permet d’atténuer les effets préjudiciables liés aux microagressions. L’espace sécuritaire est un lieu physique ou symbolique où il est possible de se réunir dans le but de communiquer autour des expériences de marginalisation.
Dans cet espace, il est possible d’aborder en toute sécurité les situations de conflits et de microagressions. Les parties doivent s’assurer que les échanges se déroulent dans un cadre régi par le respect, l’écoute, l’ouverture et l’empathie, conditions essentielles à une communication saine. La discussion peut se dérouler entre les deux parties concernées ou avec le soutien d’un médiateur, selon le besoin.
Prévenir les microagressions en milieu de travail : quelles sont les stratégies ?
Conscience, introspection et empathie
Les microagressions, bien que souvent inconscientes, engendrent des répercussions négatives chez les individus. Chaque personne possède des croyances personnelles et un bagage distinct ; le premier pas vers l’inclusion consiste à en prendre conscience. Il est essentiel que nous prenions conscience des ancrages sociohistoriques qui conditionnent la perception que nous avons de nous-mêmes et des autres. Ainsi, nous adopterons une posture plus ouverte, pacifique et empathique face à la diversité humaine.
Pratique de la pause
- Avant de poser une question personnelle à quelqu’un sur le lieu de travail ;
- Avant de comparer quelqu’un à quelque chose ou à quelqu’un d’autre ;
- Avant de tenter de décrire la personnalité de quelqu’un ;
…faites une pause.
Lorsqu’on fait une pause, il est possible de réfléchir à l’impact potentiel de nos paroles vis-à-vis un·e collègue : « Pourrait-il ou elle se sentir offensé·e ? ». Une façon simple de mieux vous outiller est d’effectuer des recherches pour valider si ce que vous souhaitez dire est offensant.
Se dire inclusif ne suffit pas. L’ouverture et l’inclusion doivent se traduire en paroles, en gestes et en une attention sincère envers l’unicité d’autrui. Rappelons qu’en ce domaine, il n’y a pas d’entre deux ; ne pas participer à l’inclusion, c’est contribuer à l’exclusion.
Pour aller plus loin, lisez notre article sur le recrutement inclusif !
Favoriser l’inclusion et la diversité en milieu de travail : un atelier de formation
Pour favoriser l’inclusion et la diversité en milieu de travail, le Y des femmes de Montréal propose des outils accessibles sur son site Internet, de même qu’un atelier de formation. Cet atelier a pour but de mettre en lumière les biais inconscients. Il aide aussi à la mise en place de bonnes pratiques qui feront des entreprises des lieux de mixité sociale et culturelle propices à l’épanouissement de leurs personnels.
Pour en savoir plus sur notre atelier : www.ydesfemmesmtl.org/tuviensdou/
Ce projet a été développé grâce au financement du Binam (Bureau d’intégration des nouveaux arrivants à Montréal) de la ville de Montréal et du gouvernement du Québec.
[1] Definition du psychologue Derald Wing Sue
[2] Également appelé espace positif ou zone neutre